Accueil / Analyses / Communication publique / Universités et communication : ce que change le communiqué du Premier ministre sur les budgets 2026

Universités et communication : ce que change le communiqué du Premier ministre sur les budgets 2026

Rédigé par : 

, le : 

 – Categories : ,

Le communiqué publié le 30 novembre 2025 par le Premier ministre marque un tournant dans la politique de communication publique. Pour la première fois, les opérateurs de l’État — catégorie à laquelle appartiennent pleinement les universités — sont explicitement visés par une politique de réduction des dépenses de communication. Dans cette note, nous proposons une première lecture stratégique des marges de manœuvre possibles pour les gouvernances universitaires et leurs directions de la communication.

Ce qu’il faut retenir

Les universités sont concernées

  • La réduction de 40 % des dépenses de communication en 2026 s’appliquera bien aux universités, en tant qu’opérateurs de l’État, au même titre que les opérateurs de recherche, les CROUS, les EPA
  • Elle concerne une réduction par rapport au budget 2024
  • L’autonomie budgétaire demeure, mais l’enveloppe globale sera contrainte, ce qui produira de facto un effet sur les capacités d’action.

Une mesure difficilement applicable en l’état

  • La communication est rarement isolée dans les budgets universitaires : peu d’universités disposent d’une comptabilité analytique complète. Les dépenses de communication sont souvent dispersées : reprographie, traiteurs pour colloques, création graphique, signalétique, photographes, logiciels, vidéo, événementiel, marketing de la formation, etc.
  • Beaucoup de dépenses “rattachées” à des codes communication ne sont pas réellement de la communication.
  • En conséquence, appliquer une réduction linéaire de -40 % est matériellement impossible ou, à tout le moins, non documentable.
  • Les tutelles le savent : ce qui sera demandé est moins une purge comptable qu’une démonstration d’effort, plus ou moins sincère selon les établissements.

Que faire ? Une analyse en défense pour les présidences, DGS, DAF et DirCom

Dans l’incertitude, plusieurs stratégies sont possibles. Nous en voyons trois :

Option 1 : appliquer intégralement (stratégie stricte)

Avantages

  • conformité parfaite avec l’esprit du texte,
  • sécurité vis-à-vis de la tutelle.

Inconvénients

  • quasi-impossible matériellement sans casser la chaîne de communication (sites, admissions, campagnes Parcoursup, obligations RGAA…),
  • risque de pénalisation de fonctions essentielles (recrutement étudiants, attractivité enseignants-chercheurs, communication de crise, projets de recherche).
  • impact politique interne très fort.

Conclusion : option improbable et non viable

Option 2 : feinter intelligemment (stratégie “effort démontré”)

  • Identifier les dépenses réellement compressibles,
  • Documenter des économies visibles (événementiel interne, audiovisuel, supports imprimés),
  • Montrer une baisse sincère (même si elle ne représente pas réellement –40 % de la “communication”),
  • Produire un tableau d’économies présentable dans le dialogue budgétaire.

Avantages

  • crédible, réaliste, tenable,
  • protège les fonctions essentielles,
  • compatible avec l’autonomie.

Inconvénients

  • nécessite un minimum d’ingénierie comptable,
  • risque d’être insuffisant si la tutelle adopte une lecture rigide (peu probable dans l’ESR).

Conclusion : l’option la plus probable et la plus raisonnable.

Option 3 : refuser ou minimiser l’application (stratégie “autonomie d’abord”)

Rappel : les universités restent autonomes et la baisse de subvention ne cible pas juridiquement une ligne budgétaire. Un établissement pourrait dire :

  • la contrainte globale est intégrée dans notre EPRD,
  • mais nous ne créons pas de fiction budgétaire en isolant une “dépense communication” impossible à objectiver.

Avantages

  • juridiquement fondé,
  • politiquement cohérent avec l’autonomie des EPSCP,
  • réaliste pour les établissements sans compta analytique fine.

Inconvénients

  • dépendra de la posture du rectorat et de la tutelle,
  • nécessite une argumentation solide et un portage présidentiel fort,
  • peut être mal perçu si la tutelle cherche des marqueurs symboliques.

Conclusion : possible, mais demande un alignement président / DGS / DAF / DirCom.

Notre recommandation : une stratégie hybride

Pour la majorité des universités, la stratégie la plus efficace consiste à :

  • reconnaître la contrainte (pour être dans le jeu),
  • produire un effort ciblé et documenté,
  • protéger les dépenses vitales (admissions, crise, site web, obligations légales),
  • éviter les mesures spectaculaires mais inutiles,
  • préserver la capacité d’agir et de communiquer à un moment où les universités ne peuvent se permettre de disparaître des radars.

C’est l’équilibre entre réalisme budgétaire et protection de l’outil stratégique qu’est la communication.

Pour aller plus loin

Crédit photo : Sebastien Lecornu – Heute.at CC BY 4.0