Le 1er février 2023, Stéphane Braconnier, président de l’Université Paris-Panthéon-Assas, présentait son rapport « Le Sport, une ambition pour l’Université » à France Universités, clôturant ainsi une mission entamée en juin 2022. Retour sur ce rapport important pour le développement du sport à l’université, qui, depuis, a été remis aux ministres de l’enseignement supérieur et du sport.
Stéphane Braconnier
Professeur en Droit public, il est Président de l’Université Paris-Panthéon-Assas depuis 2020. Il est également membre de l’Agence française de lutte contre le dopage et membre du Conseil d’éthique du Comité national olympique et sportif français.
L’université française et le monde sportif semblent évoluer dans des sphères distinctes, contrairement à ce que l’on observe outre-Atlantique ou outre-Manche, où le sport universitaire est une composante essentielle de l’identité des institutions académiques. Pourquoi cette disparité ?
En effet, c’est une réalité très nette. Les universités françaises et le milieu sportif sont deux mondes qui évoluent trop à distance. Le monde sportif ne perçoit pas pleinement le potentiel des universités dans le domaine sportif, tandis que ces dernières n’ont jamais considéré le développement du sport comme une priorité de leur politique. La compétition entre les universités, si présente dans le monde anglo-saxon, n’est pas aussi marquée en France, où la concurrence s’exerce davantage sur le plan académique. A l’inverse, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, etc. le sport joue un rôle majeur dans cette compétition.
Le sport est devenu un argument permettant de valoriser une université. Les universités françaises, elles, se concentrent sur leurs missions principales : la formation et la recherche. Le reste est considéré comme plus secondaire. Mon espoir est que mon rapport contribue à changer cette dynamique.
Le sport universitaire ne semble pas être perçu comme un vecteur de cohésion sociale et d’appartenance à une communauté. Comment peut-on changer cette perception ?
La valorisation du sport ne se limite pas au haut niveau. Le sport santé, par exemple, peut également être un moyen de valorisation. Le sport peut jouer un rôle crucial dans la construction de l’identité et du sentiment d’appartenance. Cela peut se construire à la fois à travers l’obtention de diplômes, mais aussi à travers la pratique sportive.
Ces dernières années ont vu émerger une prise de conscience quant au rôle que peut jouer le sport dans la stratégie globale des universités, notamment dans la construction de leur identité.
Votre rapport semble indiquer qu’il est aussi important de convaincre vos collègues que de promouvoir le sport à l’université. Quelles sont les principales réticences que vous rencontrez ?
Il est vrai que la communauté universitaire ne manifeste pas spontanément un grand intérêt pour les questions sportives. Convaincre de l’importance du sport au sein de l’université est donc un défi de taille. Cependant, ces dernières années ont vu émerger une prise de conscience quant au rôle que peut jouer le sport dans la stratégie globale des universités, notamment dans la construction de leur identité.
Les contraintes de temps et de budget sont réelles, mais il est indispensable de les dépasser. Il est crucial de trouver un équilibre pour libérer du temps et des ressources en faveur du sport universitaire, malgré les exigences académiques croissantes pesant sur les étudiants. Car les contraintes de temps imposées aux étudiants sont multiples : entre les travaux dirigés, les travaux pratiques, les certifications en anglais, ou encore les formations liées à la transition écologique, les exigences sont nombreuses. Le temps libre pour le sport se trouve ainsi considérablement réduit. De ce point de vue d’ailleurs, il n’est pas tant question de savoir si les étudiants déjà sportifs continueront leur pratique, car ils parviendront toujours à trouver un moment. Notre priorité est plutôt de faciliter l’accès au sport pour ceux qui en sont éloignés et donc de leur permettre de se ménager un temps suffisant pour le sport.
Comment y parvenir ?
Pour y parvenir, deux axes sont à explorer : tout d’abord, accroître le nombre d’équipements disponibles afin d’élargir les plages horaires disponibles. Cela passe notamment par l’installation d’équipements en libre accès, tels que des terrains de basket ou des parcours sportifs, une option souvent plus abordable pour les établissements. Je suis fermement convaincu que pour encourager la pratique sportive et rendre le sport accessible aux étudiants, il faut mettre à leur disposition des équipements de proximité.
Ensuite, il est crucial d’innover dans la manière dont nous organisons l’offre sportive. Il faut sortir d’un schéma trop contraignant et s’orienter vers des modèles plus proactifs dans lesquels les étudiants peuvent choisir facilement une activité différente chaque semaine en réservant un cours ou un terrain.
Pratiquez-vous vous-même une activité sportive ? La question du temps disponible pour un président d’université est-elle un véritable enjeu ?
Malgré les contraintes, je m’efforce de pratiquer le sport régulièrement. Trois séances au moins par semaine, entre course à pied, salle de sport le week-end, et natation tôt le matin en semaine.
Envisagez-vous la possibilité de voir un jour une équipe de France Universités, par exemple en football ou en rugby, affronter d’autres institutions comme l’Assemblée Nationale ?
Absolument, cela contribuerait grandement à promouvoir l’image du sport universitaire. Nous avons déjà fait des progrès significatifs ces dernières années, notamment avec la signature d’une feuille de route il y a un an, en présence des représentants des grandes écoles et des universités, ainsi que de la ministre. C’est un premier pas encourageant.
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