Qualité de l’eau de baignade, moustiques, fréquentation des urgences…, l’été est une période où les messages de prévention des institutions de santé se multiplient. Comment les ARS communiquent-elles autour des enjeux régionaux ?
Séverine Quignard, directrice de la communication de l’ARS Grand Est, a répondu à nos questions.
Quels ont été les enjeux de l’ARS Grand Est en matière de prévention cet été ?
Cet été nous avons mené deux grandes campagnes : une première sur l’usage des services d’urgences hospitalières, et une sur la qualité des eaux de baignade. Pour l’usage des urgences, le problème est directement lié aux sous-effectifs dans les hôpitaux. En temps normal, le personnel soignant n’est pas assez nombreux, donc en période de congés estivaux, tout comme durant les épidémies hivernales, la situation devient critique. La campagne s’est déployée sur tous nos canaux, à destination du grand public, pour éviter d’engorger les urgences. L’autre campagne concernait les eaux de baignade. Notre région compte de nombreux lacs et plans d’eau et avec le changement climatique, la combinaison de fortes chaleurs et d’épisodes pluvieux, nous enregistrons une recrudescence de cyanobactéries, qui se développent dans les eaux stagnantes, et peuvent avoir des conséquences sur la santé. L’ARS effectue des contrôles de la qualité de l’eau et publie un baromètre. Nous encourageons, avec cette campagne, les baigneurs et pêcheurs à se renseigner sur la qualité de l’eau avant leurs activités.
Quels canaux avez-vous privilégié pour la diffusion de ces campagnes ?
Nos campagnes s’adressaient à plusieurs cibles, il était très important de ne négliger aucun canal. Depuis le Covid, les ARS sont mieux connues du grand public. Auparavant, nos messages étaient surtout destinés aux professionnels de santé et aux partenaires. Aujourd’hui nous représentons le cadre de référence en santé dans l’esprit du grand public. Nous nous adressons donc directement à la population. Le web étant le premier réflexe d’information de la plupart des citoyens, nous investissons beaucoup sur Google Adwords, mais nous diffusons aussi nos messages dans la presse, dans les médias institutionnels locaux ou via de l’affichage urbain dans nos grandes villes. Nous avons également mis en place un partenariat avec La Poste. Les rôles et missions des facteurs ont été beaucoup diversifiés ces dernières années, nous préparons donc des supports à distribuer dans les zones les plus rurales, avec des messages de prévention à faire passer aux personnes les plus éloignées du système de santé.
Des campagnes nationales sont également proposées par les tutelles, ou les grandes institutions de santé. Comment choisissez-vous celles qui seront relayées à l’échelle régionale ?
Nous essayons de donner de la visibilité à toutes les campagnes, et nous choisissons de donner de l’écho ou de décliner celles que nous pouvons rattacher à nos actions à l’échelle régionale. Nous avons par exemple relayé la campagne sur la surveillance des enfants lors des baignades en piscine car nous enregistrons un taux très élevé de piscines individuelles dans la région. Mais le relais des campagnes nationales ne nous dispense pas de proposer des compléments, c’est ce que nous faisons typiquement pour les vaccinations contre la grippe, pour la prévention des cancers, ou en été pour la prévention des piqûres de tiques ou de moustiques tigres. Notre région est l’une des plus touchée par les tiques et même si les habitants et les médecins sont bien informés, nous ne pouvons pas nous dispenser de rappeler les bonnes pratiques.
Vous évoquiez l’élargissement de votre audience, est-ce que cela modifie vos enveloppes budgétaires en communication ?
Oui, forcément. Pour toucher le grand public il faut investir d’autres canaux, et augmenter les volumes. Il est plus facile de dédier un budget à un sujet saisonnier, car les limites temporelles sont fixes. Pour la campagne sur le bon usage des urgences par exemple, nous avions budgété 60 000 euros, répartis sur de nombreux canaux, pour un objectif de visibilité maximal durant l’été. De manière générale, dans un contexte de crise importante du secteur de la santé, nos budgets en communication ont augmenté : nous devons être en mesure toucher le grand public sur nos enjeux territoriaux comme la prévention des cancers ou des maladies cardiovasculaires, tout en continuant à adresser nos cibles plus classiques comme les médecins, les établissements de santé, de formation etc.
Avez-vous pu dresser un premier bilan de ces campagnes ?
Pour notre campagne sur les urgences, l’un des indicateurs que nous étudions est celui de la fréquentation de notre site web et en particulier de la page qui indique les lieux de soins sans rendez-vous. Sur la période de l’été 2023, nous avons enregistré plus de 20 000 visites sur la page, dont les deux tiers sont attribuables directement à notre campagne. Nous avons parfois jusqu’à 2 500 visites par jour. Il est difficile de savoir ce que les gens ont choisi in fine comme lieu de soin, ou s’ils n’ont pas renoncé aux soins, mais si ne serait-ce que la moitié de ces personnes ont trouvé une alternative aux urgences, c’est déjà un succès.
Depuis la crise du covid, les sujets de santé occupent de plus en plus d’espace médiatique. Comment se démarquer pour produire un message impactant ?
Aujourd’hui je pense qu’il faut aller vers une approche décalée, même si cela peut être difficile à faire accepter par les tutelles quand on est un acteur public. Si une campagne doit marquer les esprits, mettre en place un changement de comportement, elle ne doit pas être trop factuelle, cela ne fonctionne pas. Le registre émotionnel fonctionne bien aussi, mais il faut veiller à ce que les messages ne soient ni anxiogènes ni culpabilisants. C’est une ligne de crête assez fine. Les anglo-saxons sont très forts sur ce registre, pour faire peur, dramatiser, mais en France ça ne suffit pas. Nous faisons donc en sorte que nos campagnes responsabilisent, sans être didactiques.
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