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« Entre journalistes et chercheurs, tout est affaire de confiance et de respect mutuel »

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Les formats médiatiques qui donnent la parole aux chercheuses et chercheurs se multiplient. Une bonne chose pour Émilie Gillet, trésorière de l’AJSPI, mais qui ne doit pas occulter le travail auquel se livrent les journalistes scientifiques.

• L’AJSPI (association des journalistes scientifiques de la presse d’information) regroupe près de 300 adhérents, appartenant à tout type de média : presse écrite, radio, télévision, presse web. Son club compte 70 institutions partenaires.

• Depuis le mois de septembre, l’association prend régulièrement la parole dans les médias mais aussi dans les instances parlementaires pour analyser le rôle des médias et du journalisme scientifique durant la crise du COVID.

• L’entretien que nous publions a été réalisé au printemps 2020 et a été publié dans notre #ComESR 2019.

En 2019, des médias très généralistes – Clique TV sur Canal+ par exemple – ont créé des formats pour donner la parole aux chercheuses et chercheurs, avec l’ambition de faire entendre leur voix et leur expertise. Un signal plutôt positif pour la cause scientifique, non ?

Effectivement, les chercheurs sont de plus en plus présents dans les médias. Pour les cher­cheuses, par contre, soyons réalistes : c’est plus difficile ! Que le chercheur sorte de son laboratoire­tour d’ivoire et s’adresse directe­ment au public est une bonne chose. Cela dé­sacralise la science et la figure du savant­ sa­chant tout puissant !

À condition de réfléchir à la façon dont on communique, au niveau de vulgarisation nécessaire pour chaque type de lectorat ou d’auditoire, par exemple. Il ne s’a­git pas de délivrer des vérités avec arrogance, mais au contraire de partager les incertitudes et le cheminement de la pensée scientifique.

On l’a vu avec certaines thématiques, trop d’expertise scientifique peut paradoxalement nuire à la compréhension des sujets par le grand public. Quel rôle joue le journalisme scientifique dans ce contexte ?

Des chercheurs qui vulgarisent plus ou moins bien leurs travaux, cela ne remplacera jamais des journalistes scientifiques ! Dans un con­texte de compétition acharnée pour l’accès aux financements, certains chercheurs peu­vent être tentés de ”faire le buzz” autour de leurs travaux.

Les journalistes scientifiques, eux, vont décanter l’information, séparer les arguments scientifiques des apparats de la communication, prendre le temps de contex­tualiser : cette découverte est­-elle vraiment nouvelle ? Comment les données ont­-elles été produites, analysées, validées ? Où en sont les autres équipes qui travaillent dans le même domaine ? Qu’en disent les disciplines voisi­nes ?

Les chercheurs, du fait de leur apparte­nance à une institution et de l’origine de leurs financements, n’ont pas cette indépendance. Et le public n’a pas toujours conscience de ces liens ni des conflits d’intérêts sous-jacents.

Les relations entre chercheurs et journalistes sont parfois complexes. Comment les fluidifier ?

Les choses s’améliorent, même si nous ne devons pas, journalistes comme chercheurs, relâcher nos efforts ! Tout est affaire de con­fiance et de respect mutuel, nous avons beso­in les uns des autres pour délivrer la meilleure information scientifique au public et aux déci­deurs. Les chercheurs doivent avoir confiance dans le sérieux du travail des journalistes scientifiques.

“Les communicants ont un rôle important à jouer, en facilitant l’accès aux données et aux chercheurs pour les journalistes”

ÉMILIE GILLET

Il faut aussi prendre en compte les contraintes de chacun, le temps de la science n’est pas celui des médias. Les communicants ont un rôle important à jouer, en connaissant ces tempos différents, en facilitant l’accès aux données et aux chercheurs pour les journalistes, sans imposer un contrôle de l’information délivrée.

L’AJSPI organise depuis plusieurs années une bourse d’échange entre chercheurs et journalistes. Quelles sont les grandes “leçons” de cette initiative ?

Cette bourse permet en effet à des journalistes membres de l’AJSPI de passer quelques jours dans un laboratoire et/ou sur le terrain avec des chercheurs, en dehors d’un contexte d’enquête ou de reportage. Inversement, des chercheurs ont la possibilité de passer une semaine dans une rédaction de presse écrite, de radio ou d’audiovisuel.

C’est une occasion formidable de découvrir nos façons de travailler au quotidien, nos contraintes respectives et les enjeux de nos métiers. C’est très enrichissant. Tous les parti­cipants à ce programme d’échange témoignent par la suite d’une évolution positive de leurs relations avec les uns et les autres.

Emilie Gillet, par Zir
Photos : ©Pixabay / @Zir

[#ComESR]
Cet article est issu de notre #ComESR2019, paru en juillet 2020. Exclusivement disponible sous format papier, vous pouvez encore le commander !

ComESR2019, l’actualité de la communication dans l’enseignement supérieur et la recherche, 19,90 €, frais d’envoi inclus.

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