[ENTRETIEN] Producteur et animateur de l’émission de vulgarisation scientifique “La Méthode scientifique”, sur France Culture, Nicolas Martin connaît bien le monde français de la recherche. Selon lui, la figure du chercheur isolé dans son laboratoire n’a plus lieu d’être.
Photo : Christophe Abramowitz © Radio France
Cet entretien a été initialement publié en avril 2019, dans notre #ComESR 2018, dédié à l’actualité com’ et RP de l’enseignement supérieur. Contactez-nous pour le commander !
Dans chaque émission, vous donnez la parole à plusieurs chercheurs. Comment les sourcez-vous ? Comment les choisissez-vous ?
Dans 95% des cas, nous partons d’un sujet puis nous allons à la recherche des bons interlocu- teurs. Un seul critère prévaut : que les chercheurs consacrent leurs travaux à la thématique portée par l’émission. Pour cela, nous étudions les domaines de spécialités, les publications des personnes. Nous essayons de valoriser l’ensemble du territoire français, ce qui est rendu possible grâce au réseau France Bleu, qui peut accueillir en duplex nos invités. De plus, nous essayons encore et toujours d’atteindre la parité. Il est clair que la tâche est difficile et nous plafon- nons aujourd’hui à 30% de parole féminine.
Le critère du “bon client”, ce chercheur ou cette chercheuse très à l’aise dans les médias n’est pas pris en compte ?
Dans l’absolu, non. Certes, nous avons dans nos contacts ce que vous appelez des “bons clients”. Mais nous faisons en sorte de ne pas trop les recevoir, car cela va à l’encontre même du critère de spécialité que j’évoquais. En règle générale, nous grillons cette “cartouche” quand un invité nous fait faux bond.
Vous prenez le temps, et c’est assez rare pour être souligné, de détailler avec précision les tutelles du chercheur invité. Pour quelles raisons ?
On sait que les tutelles (universités, organismes de recherche, etc.) sont chatouilleuses sur le sujet et qu’il est important, pour elles, d’être citées. C’est un rituel qui rythme le début d’émission : je vérifie toujours avec les chercheurs ces informations-là. Pour ma part, j’y suis attaché car l’émission s’adresse à des professionnels. Nous avons un public universitaire très large et on sait très bien que ces informations peuvent être importantes pour eux, notamment pour identifier des collègues et/ou des établissements qui travaillent sur des thématiques particulières.
Les chercheurs ont conscience qu’il est essentiel d’intervenir dans les médias. À la fois pour leur image et celle de leur laboratoire, pour leur crédibilité, mais aussi pour leur recherche de financement.
Nicolas Martin
Alors que les établissements sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à la communication scientifique, rencontrez-vous encore des réticences de la part de chercheurs, qui ne souhaiteraient pas s’exprimer ?
En ce qui nous concerne, la bonne image que nous avons dans le milieu universitaire fait que les chercheurs nous connaissent, apprécient notre travail. Ils apprécient d’intervenir et ce n’est pas difficile de les convaincre ! Mais de façon plus générale, je crois que les chercheurs ont conscience, aujourd’hui, qu’il est essentiel d’intervenir dans les médias. À la fois pour leur image et celle de leur laboratoire, pour leur crédibilité, mais aussi pour leur recherche de financement. Je crois que la figure du chercheur isolé dans son laboratoire n’a vraiment plus lieu d’être… Certes, on peut trouver des personnes qui ne sont pas très à l’aise avec l’expression médiatique, mais réfractaires, non.
Les succès d’émissions telles que La Méthode scientifique ou La Tête au carré (qui devient La terre au carré à partir du 26 août) témoignent d’une appétence du public pour l’actualité scientifique. Est-ce à mettre en relation avec l’essor des fakes news, avec un besoin de revenir aux fondamentaux ?
Depuis un an et demi, on a tendance à tout analyser par le prisme des fake news. Or, je ne pense pas que le public ait plus besoin de sciences aujourd’hui qu’hier. Cette appétence existait avant les “fake news” : les bonnes audiences de mon émission, mais aussi de celle de Mathieu Vidard le prouvent.
La Méthode scientifique, du lundi au vendredi, 16 h – 17 h, sur France Culture.
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